Antoine Federicci, un symbole

Gardien de 1938 à 1958

Antoine Federicci a marqué l'histoire de l'AC Ajaccio. Gardien de talent (1938-1958), dirigeant, directeur sportif et même entraîneur, toute sa vie à été consacrée au football et en particulier à notre club. Pourtant, dans sa carrière, il a eu la possibilité d'évoluer à Valenciennes. Finalement, il oeuvra par amour pendant de nombreuses décennies en faveur de l'ACA. Nous vous proposons de découvrir ou redécouvrir son histoire et aussi la dernière interview, accordée peu avant sa disparition en 2009, à Frédéric Bertocchini.

U pichjatu, son surnom

Antoine Ferericci, dit « u pichjatu », est né le 20 janvier 1920, à Ajaccio. Ce dernier est très certainement le joueur acéiste le plus emblématique de l’histoire. Tour à tour gardien de but talentueux, dirigeant, directeur sportif, et même entraîneur intérimaire en première division, Antoine Federicci est surtout un meneur d’hommes. Ce solide gaillard débute au FCA en 1936. Après une saison, il rejoint les rangs des amateurs de l’Olympique de Marseille en 1937. Antoine Federicci signe ensuite à l’ACA en 1938. Il portera par la suite le maillot rouge et blanc pendant pas moins de 20 ans ! Avec l’ACA, ce dernier se dote d’un palmarès incroyable : quatre fois champion de Corse, deux fois vainqueur de la coupe de Corse, il remporte aussi la coupe « Raoul-Bonan » en Tunisie, la coupe Air-France, le challenge Lelong. Antoine Federicci est également appelé à plusieurs reprises dans la sélection ajaccienne et porte deux fois les couleurs de la Corse en 1948, ou encore en 1952 contre Nîmes. Antoine Federicci se reconvertit ensuite en dirigeant. Lors des magnifiques saisons en première division (1967-1973), il est alors directeur sportif du club, poste qu’il occupait depuis 1959. On lui doit quelques belles trouvailles, comme François M’Pelé, Claude Leroy ou Marius Trésor. En 1970, il assure même l’intérim le temps de quelques matchs, au poste d’entraîneur, après le limogeage d’Alberto Muro. Mais les activités d’Antoine Federicci dans le football ne s’arrêtent pas là, puisque ce dernier décide ensuite d’assurer des responsabilités importantes au sein de la Ligue Nationale de Football.

Des derbys extraordinaires

Comment êtes-vous arrivé à l’ACA dans les années 30?
J’ai signé ma première licence à l’AC Ajaccio à l’âge de 17 ans. Vous jouiez à quel poste ? J’occupais le poste, difficile à l’époque, de gardien de but.

Vous avez joué combien d’années dans ce club?
Houla (il réfléchit). Je ne m’en souviens plus… Des années et des années… J’ai gagné plusieurs fois la coupe de Corse et avec mes coéquipiers, nous avons été champions de Corse à plusieurs reprises.

Qu’est-ce qu’il y avait de différent à l’époque?
Il y avait un amour du maillot qui est très différent aujourd’hui. Je dirais même, qui n’existe plus aujourd’hui. A l’époque, on jouait surtout pour défendre les couleurs d’un club, pour un maillot. Nous étions fiers. Aujourd’hui, les choses ont bien changé. C’est fini tout ça. Ce n’est plus comme avant. Je peux vous dire qu’on se battait vraiment sur les terrains, pour gagner ! Et il y avait du répondant en face. Aujourd’hui… Je ne sais pas ce qui a pu se passer. Les joueurs sont peut-être trop payés.

Vous parlez de matchs qu’il fallait gagner… Notamment les derbys contre le bistrot?
Ah oui… Ah oui ! Il valait mieux (enjoué). C’étaient vraiment des matchs extraordinaires ! Je peux vous dire qu’il y avait plus de spectateurs à l’époque pour les derbys entre l’ACA et le bistrot, que maintenant pour des matchs professionnels.

Y-a-t-il un derby qui vous a marqué plus qu’un autre?
Non. Tous les derbys m’ont marqué. Les matchs étaient tous très intenses. Nous jouions dans des ambiances extraordinaires et les matchs étaient vraiment différents.

Le public était-il plutôt du coté de l’ACA ou du FCA?
C’était vraiment partagé. Les deux clubs avaient beaucoup de supporters. Mais je dois avouer, que pendant les matchs, on entendait plus les supporters du bistrot. A l’époque, on appelait cette équipe, le « bistrot ». Le gazélec est venu après.

Avez-vous eu envie, à un moment donné, de quitter la Corse pour jouer dans un grand club sur le continent?
Oui. J’ai d’ailleurs été demandé plusieurs fois dans ma jeunesse. Mon ami Charles et moi-même étions partis à Valenciennes pour rencontrer les dirigeants du club. Nous étions demandés tous les deux. Nous sommes donc partis ensemble pour voir à quoi ressemblait la ville. Quand nous sommes arrivés à Valenciennes et que nous avons vu le pays, la première fois chose que nous avons fait, c’est de retourner à la gare et de rentrer en Corse. J’ai aussi été demandé par le Red Star et Marseille.

Vous jouiez au Jean-Lluis, qui était le vrai stade de l’A.C.A…
Oui, tout à fait. C’était le stade de l’ACA, Notre stade ! Toutes les rencontres se déroulaient là-bas. Le bistrot a ensuite eu un terrain, mais la plupart des rencontres se déroulaient toujours au Jean-Lluis.

L’Ours était l’emblème du club. Vous saviez d’où ça venait?
Bien sûr. Ca remonte au tout début de l’ACA, dans les années 10. Ce sont les anciens du club qui ont donné ce nom. A l’époque, il y avait un certain Baretti (Martin). A chaque fois qu’il jouait, le public criait « A l’ours, A l’ours », et avec le temps, c’est resté, et c’est même devenu l’emblème du club.

Vous êtes ensuite devenu directeur sportif du club.
J’ai été directeur sportif effectivement, pendant quelques années. Vous savez, c’est moi qui ai fait venir de grands joueurs, comme Baratelli, Marius Trésor, ou encore plus récemment Dado Prso. Il faut dire que j’avais beaucoup de connaissances dans le football. J’étais notamment très proche de l’AS Monaco. C’est ainsi que nous avons réussi à faire venir à Ajaccio des joueurs prêtés. Dans les années 90, j’ai donné un coup de main à Michel Moretti. Certains joueurs qui venaient de Monaco, pour jouer à Ajaccio, étaient payés par Monaco. L’ACA avait ainsi des joueurs gratuits.

Que s’est-il passé en 1973?
L’ACA a eu des problèmes financiers et puis après… ce fut la déchéance. Pffff, vous savez… C’était dur et compliqué à l’époque. Je ne sais pas ce qui s’est passé. Ca n’allait pas du tout. Je crois d’ailleurs qu’à cette époque là, vers les années 73-74, rien n’allait d’ailleurs.

Vous avez fait votre retour, de manière officieuse, à l’ACA, lorsque Michel Moretti était président, notamment à la fin des années 90 lorsque le club a retrouvé le professionnalisme.
Michel Moretti et Alain Orsoni sont venus me voir chez moi. Ils m’ont parlé d’un projet et j’ai vu chez eux une vraie volonté de faire revivre le club. Tout est parti de là. Comme je vous le disais, j’avais de grandes connaissances dans le football, et notamment du coté de Monaco, puisque Campora (l’ancien président de Monaco) était mon ami. L’AS Monaco a ainsi beaucoup aidé l’ACA, notamment en prêtant des joueurs et en assurant leur salaire.

Vous avez également permis à quelques joueurs de faire une carrière sur le continent. Ce qui fut le cas d’Albert Vannucci?
Oui, on avait accueilli les dirigeants de Sochaux chez moi. Ils étaient intéressés par Albert Vannucci. J’ai alors donné un coup de main pour qu’Albert puisse partir et voler de ses propres ailes, à Sochaux. Il y avait des gens au club, qui ne voulaient pas que les joueurs partent et quittent l’ACA Je n’étais pas d’accord avec eux. Je voulais au contraire que le club évolue, et que nos joueurs évoluent eux-aussi. C’est ainsi qu’Albert Vannucci a signé à Sochaux.

L’ACA a aujourd’hui, cent ans, quelle vision vous portez sur le club et son histoire?
Je dirai que les choses ont beaucoup changé. Je suis peut-être nostalgique, mais ce n’est plus pareil. Ce n’est pas l’ACA qui a changé, mais le football en général. Mais mon cœur restera toujours rouge et blanc, et à l’ACA.

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