La formation acéiste s'adapte à la situation

AC Ajaccio

Depuis plus d'un an, la formation des jeunes footballeurs est bousclée par la situation sanitaire. À l'ACA, le directeur du centre de formation Patrick Leonetti détaille comment le club a du s'adapter à la situation. Entretien. 

Maintenir l'investissement et la motivation

Patrick, comment avez-vous accueilli l'annonce de l'arrêt définitif des championnats amateurs ?
Cette annonce n’est pas une surprise pour nous, avec le temps nous nous étions préparés à un tel scénario. D’un point de vue sportif, cela me semble être une suite logique, du fait que nous n’aurions jamais pu finir les championnats. D’un point de vue médical, la décision me parait également raisonnable dans le sens où continuer à jouer aurait exposé nos joueurs et nos adversaires à des risques inutiles et surtout, continuer à alimenter cette pandémie avec de nouvelles contagions.

Comment vous êtes-vous organisés depuis le mois de novembre 2020 à la formation ?
Depuis le début du confinement, nous essayons de trouver des leviers pour garder nos joueurs concernés et concentrés sur leur formation et leur développement. Cela n’est pas toujours facile car une certaine lassitude s’est installée chez certains et notre rôle consiste à ne pas les laisser perdre en motivation et en investissement. Pour cela nous avons instauré une rotation au niveau des éducateurs en modifiant les binômes habituels et constituant un nouveau binôme sur chaque catégorie chaque semaine. Chaque entraineur change de catégorie, chaque semaine. Le but étant d’emmener un nouveau discours et une pédagogie différente aux différents groupes pour casser la routine et stimuler une écoute et approche différente des joueurs chaque semaine. Cela permet également à l’éducateur de ne pas tomber dans une forme de routine et éventuellement de lassitude au même titre que les joueurs. Nous essayons de booster l’ensemble des composantes de la formation, joueurs et éducateurs. 

Un impact sur le développement des jeunes

En cette année particulière, qu’est-ce qui a changé dans votre travail de formateurs ? Est-ce que l’on peut parler d’une génération sacrifiée ?
Il y aura forcément un impact sur l’évolution et le développement de nos joueurs. En deux saisons réunies, nos joueurs auront participé à une quinzaine de rencontres maximum, sachant que lors d’une saison normale un championnat comprend environ une trentaine de rencontres. Cela nous donne une participation de moins de 25% de rencontres jouées sur 2 saisons. Cela est très préjudiciable et impacte fortement la progression du jeune joueur, car la compétition du week-end valide la semaine de travail et nous permet à travers le contenu et la performance du joueur de matérialiser sa progression. La compétition a un impact important dans la gestion des émotions du jeune joueur et elle représente un repère important dans l’évaluation des qualités acquises et non acquises. La compétition est le baromètre de la progression, elle nous révèle les points faibles et les points forts de chacun d’entre eux et leurs courbes d’évolutions. Sans compétition il est difficile de valider les temps de passage de façon précises et objectives. Autre facteur impactant, il arrive souvent qu’un joueur soit bon à l’entrainement et se retrouve beaucoup moins performant en compétition du fait de l’exposer à un adversaire et une certaine forme de pression du résultat et de la performance à la fois collective et individuelle. Certains maitrisent cette pression et d’autres se retrouvent totalement inhibés par la compétition. Donc l’entrainement et la compétition doivent être associés pour valider une progression. Malheureusement cela n’est plus le cas actuellement.

Se rapprocher de la vérité

Comment compensez-vous justement cette absence de compétition ?
Pour compenser, nous instaurons des oppositions internes chaque fin de semaine de façon formel avec tenues de match et arbitres officiels pour créer une situation qui se rapproche au maximum de la vérité. Notre statut de centre de Formation agréé nous permet d’organiser des matchs amicaux avec les autres centres de formation sur le continent. J’ai organisé des rencontres contre l’OM en U17 et U19 à Marseille courant Mars. Malheureusement cela représente un cout très important pour le club et nous ne pouvons pas multiplier ces initiatives. Nous devions réaliser la même démarche en nous rendant à Nîmes le week-end dernier pour y affronter les U17 et la N3 et recevoir l’Olympique de Marseille en retour le week-end suivant, mais ce nouveau confinement a de fait annuler ces oppositions.

Le fait d’être isolé sur une île a un impact sur notre capacité à organiser des rencontres entre centres de formation car comme cité précédemment cela représente un coût trop important pour le club. (Environ 5000 euros par déplacement et par équipe, non remboursé par la Fédération). À titre d’exemple un centre de formation comme celui d’Auxerre a organisé des rencontres chaque week-end pour chacune de ses catégories depuis le premier confinement l’an dernier contre tous les clubs de Ligue 1 et de Ligue 2 de France. Donc nos jeunes joueurs se retrouvent doublement pénalisés et cela n’a pas le même impact pour les jeunes d’Auxerre que pour les nôtres car eux n’ont jamais connu de coupures en termes de compétition.

Enrichir nos données à travers les avis

Dans cette situation, comment allez-vous évaluer les jeunes pour composer l'effectif du centre pour la saison prochaine ? Ce travail a-t-il déjà commencé?
Nous devrons nous contenter des entrainements et des rares matchs amicaux pour évaluer nos joueurs. Nous allons nous reposer également sur la rotation des entraineurs évoquée précédemment pour nous permettre de minimiser les risques d’erreurs dans la pertinence et l’objectivité de nos évaluations. Le fait que chaque entraineur est un vécu dans chaque catégorie, qu’il connaisse et puisse statuer sur chacun des joueurs est très important et enrichi nos données à travers différents avis. Nous devons statuer règlementairement au plus tard le 30 avril sur la composition de nos différents effectifs et sur l’avenir de chacun de nos jeunes joueurs. Ce travail est en phase de finition et nous avons bien avancé en termes de recrutement. Nous avions bien anticipé le confinement avec Cyril Vannucci (responsable du recrutement amateurs) et avancé sur nos différentes prospections sur le continent et en Corse. À ce jour, notre recrutement est pratiquement bouclé car chacun des joueurs validés par le staff, à la suite des différents essais réalisés, nous a répondu positivement.

Le CSJC, un véritable partenaire et acteur

Vous avez emménagé dans de nouveaux locaux au CSJC, en quoi cela peut améliorer le travail de la formation acéiste ?
Ces nouveaux locaux à disposition depuis début avril représentent un outil extraordinaire permettant d’évoluer dans des conditions optimales. Cela nous apporte un certain confort et nous permet, à travers la superficie conséquente, de sectoriser les bureaux par catégories (N3, U19, U17, U16) ou par service (analyse vidéo, préparation physique, intendance, administratif, nutrition, scolarité, salle de réunion, etc..). Les différents intervenants de notre structure ont un espace personnel pour pouvoir travailler dans des conditions appropriées et sereines. Cet outil est révélateur et symptomatique de l’évolution de notre structure depuis quelques mois grâce à une volonté de notre direction d’accentuer le rôle et la place de la formation dans le développement du club à travers les moyens dévolus à notre centre qui à ce titre devrait recevoir une bonne nouvelle dans les jours qui viennent.

Je voudrais profiter de l’occasion pour associer et remercier le CSJC de Corse, à travers son équipe de direction et l’ensemble de son personnel très dynamique et créatif, toujours au service de la jeunesse Corse. Le CSJC représente aujourd’hui pour nous, un véritable partenaire et acteur à nos côtés, de notre évolution à travers l’accompagnement et l’ensemble des moyens mis à notre disposition que ce soit en termes matériel, humains et également pédagogique.

Arconte, un cri du coeur

Enfin, un mot sur le jeune Tairyk Arconte qui a inscrit son premier but dans le monde professionnel ce week-end à l’âge de 17 ans avec un cri de joie qui voulait dire beaucoup de choses ?
Cela fait très plaisir, ce cri de joie symbolise toute la détresse et le mal-être que peuvent ressentir nos enfants depuis plus d’un an avec cette situation sanitaire. C’est aussi le cri de la libération, de la joie, beaucoup de temps de travail qui valide un parcours compliqué pour Tayrik avec un déracinement. Un cri qui venait du cœur et qui fait plaisir à voir à entendre. C’est beaucoup d’émotions.

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